Le Pirate Magazine

 
le Pirate a vu :
LE JOURNAL D'UN FOU

http://wally.bajeux.free.fr/jdf.html


 
Qui est fou ? Qui ne l’est pas ?
 
Cette question, posée en filigrane dans le texte de Nicolas Gogol - « Le Journal d’un Fou », Wally Bajeux l’a retranscrite de la manière la plus évidente - pertinente dans son adaptation.
 
Syrus Shahidi, littéralement habité par son personnage interprète le rôle de Poprichtchine, obscur petit fonctionnaire de l’administration russe.
 
Poprichtchine s’habille de rêves bien trop grands pour lui, des rêves mal fagotés, des loques. Epris de la fille de son directeur, il découvrira son prénom grâce à la correspondance qu’entretiennent le chien de celle-ci et celui d’une de ses amies. Animaux de compagnie, témoins muets de nos vicissitudes, ils se parlent et s’écrivent, Poprichtchine, amateur de syntaxe, le sait bien… Il aime aussi lire les nouvelles du monde. Apprenant que le trône d’Espagne est vacant, il s’autoproclame Ferdinand Huit - Roi d’Espagne, le quarante trois avril très précisément. Enième facétie qui le fera passer définitivement pour fou auprès de ses collègues et lui vaudra des « soins » musclés.
 
Dans cet univers névrotique, qui n’est pas sans rappeler le « Brazil » de Terry Gilliam, Wally Bajeux nous donne à entendre la voix d’un homme que plus personne n’écoute. Une voix à laquelle l’interprétation charnelle, possédée, de Syrus Shahidi donne un corps et une âme. Les haillons dont il est vêtu ne sont que le reflet d’un esprit torturé, torturé par « les autres ». Une plongée au cœur des tourments d’un être qui ne peut pas, ne veut pas, accepter un système dans lequel il lui est impossible de se reconnaitre.
 
Le refus de ce qui est établi est-il la marque de la folie ? Ou bien au contraire, est-ce une certaine forme de folie ordinaire qui nous conduit vers l’acceptation totale, absurde, d’une société malade ?
 
Poprichtchine ne répond pas, d’ailleurs il n’est plus là. Il vit de l’intérieur ce que le dehors lui refuse. Non pas tant ses rêves de gloire et d’amour impossible, mais ce qu’il est. Poprichtchine veut être, tout simplement.
 
Prisonnier de son monde intérieur, prisonnier de sa hiérarchie, cet individu qui pourrait être n’importe lequel d’entre-nous, ira jusqu’au bout de lui-même. Interné, frappé, humilié, il ne comprend même pas les motivations de ses bourreaux/soignants. Il finira par leur laisser la seule chose qui le retient encore ici, son corps, meurtris, inutile…
 
Syrus Shahidi, qui incarne avec une puissance et une finesse rares le personnage de Poprichtchine, joue des deux cotés de ce miroir, le dedans et le dehors, que Wally Bajeux nous tend.
 
Janus moderne au double visage, tel que Ovide et ses métamorphoses le voyait, Wally et Syrus nous offrent les clés d’un monde où la folie et la poésie ne font qu’un.
 
Le Journal d’un Fou au Théâtre du Gymnase – Marie Bell
Les dimanches à 20h00 et les lundis et mardis à 21h30
38 Bd de Bonne Nouvelle - 75010 - Paris
Réservation au 01 42 46 79 79



LE PIRATE
Rodolphe
le 16 mai 2013



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